Andorinha

ANDORINHA

J’ai un rapport particulier aux hirondelles. Peut-être parce qu’elles me rappellent celle qui là-haut veille sur mes heures et bonheurs.  Peut-être parce qu’à leur simple vue s’ouvre en moi la porte qui remue l’âme. 

(Ré)écriture d’un texte de l’été 2020.

  

 

 

Je vous parle d’elle et, en réel, je ne la connais pas. Si aucun souvenir n’effleure ma mémoire, je sais pourtant presque tout d’elle. L’essentiel. On dit que mon regard a rencontré le sien. Intensément brun. Sa peau rêche et burinée par le soleil brûlant sent la sueur, le pain de maïs et le lait de brebis. Elle a le timbre chuintant et vif du nord du pays. Elle aime chanter Marie à vous sortir des larmes pudiques de petite fille. Couleur perle de mer. C’est que la mélancolie et la dureté de la vie lui servent d’amies. Ses mains sont faites pour remuer la terre battue et s’accrocher aux pans de ses tabliers de poussière et de coton dru. Une vie terracotta. Elle vit. Dans son ombre, un oiseau. Noir. Comme cette mèche imaginaire et rebelle qu’elle ne cesse de ramener à son chignon bas. Elle est femme, mère et ouvrière, donnée à sa terre et à ceux de sa chair. Tellement qu’elle en néglige la sienne et consumme la flamme de sa vie prématurément et injustement. Má sorte*. Je porte son prénom. En amulette, comme pour traverser les âges qu’elle n’a pas eus. 

Je l’ai rencontrée en rêve cet été. Un battement d’ailes sur ma joue. Ma grand-mère du ciel, « ma grand-mère à deux ailes ».  

 

On dit que les oiseaux ne meurent jamais. Ou alors par accident. Si les oiseaux se transmettent de génération en génération,  le mien me vient sans aucun doute d’elle. C’est une hirondelle. 

Francelina, mon andorinha**.

 

sur une idée murmurée de Valérie Perrin

 

* malchance 

** hirondelle